Livre: Livre Dans les plis sinueux des vieilles capitales de Taussig (Sylvie), commander et acheter le livre Dans les plis sinueux des vieilles capitales en livraison rapide, et aussi des extraits et des avis et critiques du livre, ainsi qu'un résumé.
Dans le cadre des Diagonales de la Photographie 2012. RĂ©sidence et exposition soutenues par la DRAC RhĂŽne-Alpes Écritures de LumiĂšre / MinistĂšre de la Culture et la Ville de Roanne. Yveline Loiseur dĂ©veloppe un travail photographique protĂ©iforme incluant l’installation, le papier peint et le livre d’artiste. MĂȘlant l’expĂ©rience de l’instantanĂ© avec la mise en scĂšne et la reconstitution en atelier, elle explore les notions de temps, de passage et de mĂ©moire, dessinant une gĂ©ographie sinueuse entre histoire collective, expĂ©rience individuelle et souvenir d’enfance. Depuis la sphĂšre privĂ©e La Vie courante jusque dans le milieu urbain Les Villes invisibles, CrĂ©puscule du matin, Cavalier seul, La Vie matĂ©rielle avec Bureau l’Imprimante, chacun de ses projets est conçu Ă  partir de micro Ă©vĂ©nements issus du quotidien, accumulĂ©s, rejouĂ©s et recontextualisĂ©s pour entrer en rĂ©sonance avec un environnement social. La photographie devient un territoire d’expĂ©rimentations poĂ©tiques dans lesquelles le spectateur est amenĂ© Ă  se projeter. A Roanne, dans le cadre d’une rĂ©sidence d’artiste Ecriture de LumiĂšres /MinistĂšre de la Culture qui s’est dĂ©roulĂ©e de septembre 2010 Ă  avril 2011, elle a menĂ© Ă  la fois des ateliers artistiques auprĂšs des scolaires et un travail de crĂ©ation photographique sur la ville. Elle a sillonnĂ© Roanne plusieurs mois avec pour seule contrainte les limites de ce territoire. Elle capte l’ordinaire d’une ville, loin des repĂšres habituels, fixant l’intimitĂ© de ses passages, ses Ă©chappĂ©es, ses interstices, ses plis. Elle rassemble, dans une sĂ©dimentation d’images et d’histoires, des fragments urbains, des portraits et un papier peint qui, comme une seconde peau de la ville, rejoue dans l’espace d’exposition, les liens qui unissent Roanne au textile. © Yveline Loiseur, Sans Titre 19, 2010, 20×29 cm © Yveline Loiseur, Sans Titre 37, 2011, 20×29 cm Biographie Yveline Loiseur est nĂ©e en 1965 Ă  Cherbourg, elle vit et travaille Ă  Lyon. Elle est diplĂŽmĂ©e de l’École Nationale SupĂ©rieure de la Photographie d’Arles en 1990 et de l’UniversitĂ© Paris I PanthĂ©on-Sorbonne en 1991. En 2011, elle est laurĂ©ate du programme RĂ©sidences Culturesfrance Hors les Murs Ă  Trieste en Italie et en 2010 du Prix de la Quinzaine Photographique Nantaise. Elle bĂ©nĂ©ficie en 2009 d’une Aide Individuelle Ă  la CrĂ©ation allouĂ©e par la Drac RhĂŽne Alpes – MinistĂšre de la Culture pour son projet Sylvie et Bruno autour du texte de Lewis Carroll. Son travail fait partie de nombreuses collections publiques et privĂ©es et est rĂ©guliĂšrement montrĂ© en France et Ă  l’étranger, en 2011 Ă  la MĂ©diathĂšque de Roanne et au Luxembourg, en 2010 Ă  Bratislava et Ă  Nantes, en 2009 Ă  MontrĂ©al et Ă  Marseille, en 2008 Ă  l’Institut français de Dresde, en 2006 au MusĂ©e d’art contemporain de Lyon.

JosĂ©Corti, 2002. Dans les plis sinueux des vieilles capitales, OĂč tout, mĂȘme l’horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obĂ©issant Ă  mes humeurs fatales, Des ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et charmants Charles Baudelaire « Les petites vieilles ». Dans une rue au coeur d’une ville de rĂȘve, Ce sera comme quand on a dĂ©jĂ  vĂ©cu: Un instant Ă  la fois trĂšs vague et trĂšs aigu

Les Petites Vieilles est un poĂšme de Charles Baudelaire dans la section Tableaux parisiens du recueil Les Fleurs du Mal. Cette section ne figurait pas dans la premiĂšre version du recueil, parue en 1857. Elle est ajoutĂ©e dans la version de 1861. Dans les plis sinueux des vieilles capitales, OĂč tout, mĂȘme l'horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obĂ©issant Ă  mes humeurs fatales Des ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et charmants. Ces monstres disloquĂ©s furent jadis des femmes, Éponine ou LaĂŻs ! Monstres brisĂ©s, bossus Ou tordus, aimons-les ! ce sont encor des Ăąmes. Sous des jupons trouĂ©s et sous de froids tissus Ils rampent, flagellĂ©s par les bises iniques, FrĂ©missant au fracas roulant des omnibus, Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques, Un petit sac brodĂ© de fleurs ou de rĂ©bus ; Ils trottent, tout pareils Ă  des marionnettes ; Se traĂźnent, comme font les animaux blessĂ©s, Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettes OĂč se pend un DĂ©mon sans pitiĂ© ! Tout cassĂ©s Qu'ils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille, Luisants comme ces trous oĂč l'eau dort dans la nuit ; Ils ont les yeux divins de la petite fille Qui s'Ă©tonne et qui rit Ă  tout ce qui reluit. - Avez-vous observĂ© que maints cercueils de vieilles Sont presque aussi petits que celui d'un enfant ? La Mort savante met dans ces biĂšres pareilles Un symbole d'un goĂ»t bizarre et captivant, Et lorsque j'entrevois un fantĂŽme dĂ©bile Traversant de Paris le fourmillant tableau, Il me semble toujours que cet ĂȘtre fragile S'en va tout doucement vers un nouveau berceau ; À moins que, mĂ©ditant sur la gĂ©omĂ©trie, Je ne cherche, Ă  l'aspect de ces membres discords, Combien de fois il faut que l'ouvrier varie La forme de la boĂźte oĂč l'on met tous ces corps. - Ces yeux sont des puits faits d'un million de larmes, Des creusets qu'un mĂ©tal refroidi pailleta... Ces yeux mystĂ©rieux ont d'invincibles charmes Pour celui que l'austĂšre Infortune allaita ! II De Frascati dĂ©funt Vestale enamourĂ©e ; PrĂȘtresse de Thalie, hĂ©las ! dont le souffleur EnterrĂ© sait le nom ; cĂ©lĂšbre Ă©vaporĂ©e Que Tivoli jadis ombragea dans sa fleur, Toutes m'enivrent ; mais parmi ces ĂȘtres frĂȘles Il en est qui, faisant de la douleur un miel Ont dit au DĂ©vouement qui leur prĂȘtait ses ailes Hippogriffe puissant, mĂšne-moi jusqu'au ciel ! L'une, par sa patrie au malheur exercĂ©e, L'autre, que son Ă©poux surchargea de douleurs, L'autre, par son enfant Madone transpercĂ©e, Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs ! III Ah ! que j'en ai suivi de ces petites vieilles ! Une, entre autres, Ă  l'heure oĂč le soleil tombant Ensanglante le ciel de blessures vermeilles, Pensive, s'asseyait Ă  l'Ă©cart sur un banc, Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre, Dont les soldats parfois inondent nos jardins, Et qui, dans ces soirs d'or oĂč l'on se sent revivre, Versent quelque hĂ©roĂŻsme au cƓur des citadins. Celle-lĂ , droite encor, fiĂšre et sentant la rĂšgle, Humait avidement ce chant vif et guerrier ; Son Ɠil parfois s'ouvrait comme l'Ɠil d'un vieil aigle ; Son front de marbre avait l'air fait pour le laurier ! IV Telles vous cheminez, stoĂŻques et sans plaintes, À travers le chaos des vivantes citĂ©s, MĂšres au cƓur saignant, courtisanes ou saintes, Dont autrefois les noms par tous Ă©taient citĂ©s. Vous qui fĂ»tes la grĂące ou qui fĂ»tes la gloire, Nul ne vous reconnaĂźt ! un ivrogne incivil Vous insulte en passant d'un amour dĂ©risoire ; Sur vos talons gambade un enfant lĂąche et vil. Honteuses d'exister, ombres ratatinĂ©es, Peureuses, le dos bas, vous cĂŽtoyez les murs ; Et nul ne vous salue, Ă©tranges destinĂ©es ! DĂ©bris d'humanitĂ© pour l'Ă©ternitĂ© mĂ»rs ! Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille, L'Ɠil inquiet, fixĂ© sur vos pas incertains, Tout comme si j'Ă©tais votre pĂšre, ĂŽ merveille ! Je goĂ»te Ă  votre insu des plaisirs clandestins Je vois s'Ă©panouir vos passions novices ; Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus ; Mon cƓur multipliĂ© jouit de tous vos vices ! Mon Ăąme resplendit de toutes vos vertus ! Ruines ! ma famille ! ĂŽ cerveaux congĂ©nĂšres ! Je vous fais chaque soir un solennel adieu ! OĂč serez-vous demain, Èves octogĂ©naires, Sur qui pĂšse la griffe effroyable de Dieu ? Le poĂšme est composĂ© de quatre parties de 9, 3, 3 et 6 strophes d'alexandrins respectivement. Les rimes sont alternĂ©es. De plus ces derniĂšres respectent bien l'alternance entre rimes masculines et rimes fĂ©minines. Le poĂšte donne des petites vieilles une image de monstre. En effet, il dit bien qu’avant d’ĂȘtre monstrueuses, elles Ă©taient des femmes "Ces montres disloquĂ©s furent jadis des femmes'". Le poĂšte compare ces vieilles femmes Ă  des animaux "Se traĂźnent, comme font les animaux blessĂ©s". Cette comparaison nous montre le cĂŽtĂ© spleen » de Baudelaire. Mais mĂȘme s’il les a dĂ©shumanisĂ©es, il nous dit quand mĂȘme de les aimer "Ou tordus, aimons-les ! ce sont encor des Ăąmes". Baudelaire n'hĂ©site pas Ă  se moquer de leur façon de dĂ©ambuler "Ils rampent, flagellĂ©s par les bises iniques, FrĂ©missant au fracas roulant des omnibus, [
]Ils trottent, tout pareils Ă  des marionnettes ; Se traĂźnent, comme font les animaux blessĂ©s ». Mais par moments, il parle d'elles avec douceur comme dans le paragraphe 13 "Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille, / L'Ɠil inquiet,fixĂ© sur vos pas incertains, / Tout comme si j'Ă©tais votre pĂšre, ĂŽ merveille ! " Baudelaire Ă©prouve de l'empathie envers elles en effet, il s'inquiĂšte en les voyant dans la rue. Baudelaire cherche Ă  faire ressortir la beautĂ© oĂč il n’y en a pas. Il utilise de nombreuses antithĂšses comme "OĂč tout, mĂȘme l'horreur, tourne aux enchantements".
Dansles plis sinueux des vieilles capitales, OĂč tout, mĂȘme l'horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obĂ©issant Ă  mes humeurs fatales Des ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et charmants. Ces monstres disloquĂ©s furent jadis des

CORPUS DE TEXTESObjet d'Ă©tude poĂ©sieTexte 1 Les Petites vieilles » de Charles Baudelaire [1821-1867] - section Tableaux parisiens » - recueil Les Fleurs du Mal » 1857.Texte 2 Les Usines » d'Emile Verhaeren - recueil Les Villes tentaculaires » publiĂ© en 1895.Texte 3 Zone » de Guillaume Apollinaire [1880 -1918], recueil poĂ©tique intitulĂ© Alcools » publiĂ© en 4 A New York » de LĂ©opold SĂ©dar Senghor [1906-2001], recueil Ethiopiques » 1956.Voir les textes ci-dessous en fin de de rĂ©flexionLe regard des poĂštes portĂ© sur l'espace ville, un territoire poĂ©tique, une source d'inspiration pour les renouvellement poĂ©tique aux XIX et XXĂšmes siĂšcles l'ancrage urbain, une esthĂ©tique de la modernitĂ©, un renouveau des formes voyage, une aventure intĂ©rieure. Les Ă©motions suscitĂ©es par la ville dans l'esprit des tonalitĂ© des textes, entre l'Ă©loge et le blĂąme, la joie et la d'Ă©criture Ă  votre tour, vous dĂ©crirez de maniĂšre poĂ©tique et en prose une ville de votre du professeur, corpus de textes soumis Ă  l'attention des Ă©lĂšves fait office bien souvent d'une feuille de route qui fixe le cap. La description se fondera ici sur un dispositif codifiĂ© avec un nombre prĂ©cis d'objectifs Ă  atteindre qui s'Ă©noncent ainsi * DĂ©crire un petit bout d'une ville ou d'une localitĂ©, d'une maniĂšre enjouĂ©e, enthousiaste et rayonnante, en prĂȘtant son attention Ă  sa singularitĂ©, sans toutefois gommer la prĂ©sence humaine...* On chapeaute son texte d'un titre accrocheur.* Seul maĂźtre Ă  bord, on choisit la ville mĂ©galopole ou bourgade provinciale qui sera dĂ©crite, on mentionne le nom des lieux, on veille Ă  la prĂ©cision de la topographie.* On utilise le pronom personnel indĂ©fini on » ou bien la tournure impersonnelle, on a recours au prĂ©sent de l'indicatif tout au long de cette flĂąnerie oĂč le regard s'attarde sur le dĂ©cor urbain.* On dĂ©ploie une pratique adaptĂ©e au sujet en tirant profit du pouvoir d'attraction des procĂ©dĂ©s de style qui sont au cœur du dispositif.* On attend un texte qui regorge d'images, de figures de style des outils rhĂ©toriques adaptĂ©s devraient aider la mise en page reformulations imagĂ©es, comparaisons, mĂ©taphores, modalisateurs impliquant une proximitĂ© du narrateur avec le paysage urbain. Le registre lyrique, laudatif, Ă©lĂ©giaque couvre tous les champs possibles de la louange, de l'Ă©loge se rapportera au tableau des procĂ©dĂ©s littĂ©raires mis en ligne RecommandationsPlace au jeu de dĂźnette. Il s'agit de faire dĂ©filer des images qui accaparent l'attention, en se remĂ©morant un vaste pĂȘle-mĂȘle de bons souvenirs, enrichis par des moments de recueillement, de contemplation prĂ©alables description itinĂ©rante, itĂ©rative. C'est le tĂ©moignage de la beautĂ© qui fait la force de ce texte d'invention, et qui motive ses choix esthĂ©tiques celui d'une merveilleuse rĂȘverie, par exemple.Au pied du mur, la premiĂšre vertu est de faire Ă©merger une voix par sa maniĂšre de reprĂ©senter le rĂ©el, de libĂ©rer la crĂ©ativitĂ© qui ne doit pas s'essouffler en cours de route. L'Ă©criture d'invention nous amĂšne Ă  disposer de marges d'initiative et de libertĂ© pour construire son cela n'est pas dĂ» au hasard... Les promenades d'un visiteur dotĂ© d'une acuitĂ© de l'observation servent d'appui Ă  cet exercice d'Ă©criture. Le tĂ©moignage, habitĂ© par les murmures imperceptibles de la ville, par ses frissonnements secrets, chemine pas Ă  pas vers une rĂ©vĂ©lation d'un trait sobre et prĂ©cis comme dans un carnet de bord agenda journalier genre story-board, road-movie ou trekking, consistera Ă  donner Ă  voir des formes de vie. Il suffit de se laisser aller Ă  l'observation inlassable en arpentant ce territoire citadin. Ce qui nĂ©cessite de laborieux efforts pour former un tout description est un travail de mise en images qui n'interdit pas une construction soignĂ©e, ni la vigueur du style puissance visuelle des images poĂ©tiques. Ces fragments de poĂ©sie urbaine imprimeront au texte son allant et lui donneront une rĂ©sonance toute description est une expĂ©rience sensorielle nourrie d'images et d'Ă©motions. C'est Ă  la fois la vie de l'Ă©criture et l'Ă©criture de la vie qui est au cœur de ce travail. Autrement dit, une mise en forme Ă©crite d'une dĂ©claration d'amour pour ce lieu. Comme si une part de soi-mĂȘme voudrait que nous revenions sur nos pas...On peut s'inspirer d'un autre sujet, assez proche, en visualisant des travaux d'Ă©lĂšves Le choix pour cette proposition d'Ă©criture d'invention s'est portĂ© sur la ville de Valparaiso, au Chili... Valparaiso, el valle del paraĂ­so...Valparaiso ne fait pas que souffler un vent nouveau sur nos pĂ©rĂ©grinations. Ville de la bourlingue, de la badauderie, de la flĂąnerie, cette citĂ© est une galerie d'art Ă  ciel ouvert, une vitrine de musĂ©e qui donne sur la rue. Valparaiso arrĂȘte tout. Chaque maison ou immeuble arrĂȘte notre regard. A commencer par la maison-musĂ©e de Pablo Neruda, La Sebastiana », perchĂ©e sur la colline Bellavista, une visite Ă  ne pas manquer. Jamais les poĂštes n'ont Ă©tĂ© aussi proches de leur terre. Des mosaĂŻques rendent hommage Ă  Gabriela Mistral Ă  l'angle des rues Ricardo Ferrari et Alejandro BeltrĂ n. lĂ©gende de la photographie vers de la poĂ©tesse chilienne Gabriela Mistral [1889-1957] tirĂ©s de son recueil Poema de Chili » Ă  propos de Valparaiso se pierde Valparaiso guinando con sus veleres y barcos empavesados que llaman a que embarquemos pero no cuentan sirenas con estos aventureros... »Les peintures murales mĂȘlent les corps nus et les motifs vĂ©gĂ©taux, tropicaux, associant les fleurs, les animaux Ă  des autoportraits troublants, un peu gribouilles qui frappe dans ce labyrinthe de ruelles et de chaussĂ©es parfois dĂ©foncĂ©es, ce sont ces fresques en enfilade, des plus osĂ©es ou potaches aux plus chatoyantes ou Ă©tranges. Au fil des promenades cum pedibus jambis, en baguenaudant Ă  travers le dĂ©dale de rues sinueuses, les motifs picturaux font irruption flanc Ă  flanc. Dans ces quartiers cramponnĂ©s aux collines de la ville les cerros, les façades dĂ©diĂ©es aux street artists montrent un esprit d'originalitĂ© et d'excentricitĂ© sans pareil. Tout se passe comme si la citĂ© voulait crĂ©er un cercle de mĂ©cĂšnes amoureux de l'art pictural et de la dĂ©cors surrĂ©alistes, comme pris au piĂšge entre les croisĂ©es, sous des Ă©chafaudages de tĂŽle parfois, se rĂ©inventent d'une rue Ă  l'autre. Comme si elles Ă©taient destinĂ©es Ă  nous proposer, non pas ce qui est rentable, mais ce qui est dĂ©sirable. Sous ces fresques d'art, des chiens errants et des chats de gouttiĂšre s'accordent de longues siestes. Ils croupissent sur place comme des gardiens de musĂ©e qui sommeilleraient incognito malgrĂ© l'affluence des badauds... On arpente, Ă  la conquĂȘte des cerros, les escaliers aux tracĂ©s sinueux, mais jamais Ă  grands pas. On ne se fait pas faute, bien entendu, de trouver toutes les bonnes raisons de s'engouffrer dans un funiculaire ou un ascenseur bravant la dĂ©clivitĂ© des 44 collines ascensores » Artilleria, Baron, El Peral ou Reina Victoria qui font cohabiter la cuvette littorale - le plano de la ciudad et les quartiers rĂ©sidentiels pentus. C'est aussi le seul moyen de transport vers les Cerros Larrain, Florida et Lecheros. Des funiculaires pugnaces la Compagnie des ascensores mĂ©caniques a Ă©tĂ© fondĂ©e en 1882, jamais dĂ©sespĂ©rĂ©s de la ligne droite, nous conduisent au sommet de butes qui surplombent la ville. Du haut de ces belvĂ©dĂšres, qui rivalisent de beautĂ© avec les miradouros lisboĂštes, le panorama s'impose comme un rendez-vous avec le remue-mĂ©nage indescriptible, inclassable, juvĂ©nile, intimiste, inimitable, se pare d'une fascinante Ă©trangetĂ©. Au dĂ©tour des rues, impasses et parvis, jaillissent des cĂąbles Ă©lectriques, tentaculaires, comme de maigres traces de la fils Ă©lectriques ou de tĂ©lĂ©phone s'Ă©tirent au-dessus du bitume comme de fragiles cordes Ă  linge, extĂ©nuĂ©es par les menaces telluriques le dernier tremblement de terre date de 1906. Leurs chevelures Ă©bouriffĂ©es zĂšbrent les façades multicolores des maisons qu'elles ne parviennent pas Ă  faire fourmillement de la population los porteños bat son plein dans les quartiers du port et la plaine littorale. Ces quartiers qui longent les entrepĂŽts et le port militaire d'oĂč Pierre Loti embarqua pour les Ăźles de PĂąques bouillonnent de vie. Des serveurs arpentent les trottoirs boursouflĂ©s pour racoler les convives en vantant la composition des petits plats du Pacifique. L'accĂšs Ă  la table de ces petits restaurants populaires ne s'obtient pas sans efforts ni sans nĂ©gociations sur les tarifs. Le passant rechigne, ronchonne et puis le sourire du serveur met tout le monde d'accord. On se retrouve attablĂ© dans un boui-boui affichant des airs de pension de famille, oĂč l'on se sent chez soi et oĂč la musique est reine. L'authenticitĂ© des chiliens se reconnaĂźt dans le registre de l'hospitalitĂ© universelle. Chacun fait attention Ă  l'autre, et pas seulement les laveurs de pare-brise Ă  la sauvette. Le centre ville est sillonnĂ© par des tramways, trolleybus et taxis collectifs qui ont plusieurs dĂ©cennies de trafic routier Ă  leur actif. Sur les hauteurs de la ville, dans les remontĂ©es et les virages, on ressent des frissons Ă  entendre les crissements des pneus qui mordent les virages. Ou pire, un embrayage enrhumĂ©. Les Ă©boueurs font une entrĂ©e musclĂ©e dans les cerros tout comme les livreurs de bouteilles de gaz ou les marchands forains. La vie est ici un bal champĂȘtre. La musique de cirque, de fanfare ou de fiesta et la cumbia chilienne s'Ă©coutent gratuitement. Cette polyphonie tourne Ă  la cacophonie quand les aboiements des chiens ou les miaulements des matous se mĂȘlent au concert. Les taxis en maraude font paresseusement la ronde du matin au soir et jusque tard dans la nuit. Un carrousel de toits jaunes ou noirs qui laisse penser que les courses de taxi ne finiront jamais. Les bus Ă  la carrosserie dĂ©catie dĂ©boulent Ă  un angle, tout Ă  trac. Le parcours torrentueux d'un cerros Ă  l'autre les fera dĂ©valer Ă  toute bringue les rues tortueuses. Tout en saccades. Avec au volant, un roulier des mers reconnu pour avoir le compas dans l'œil. Valparaiso nous manquera toujours. Il faudrait partir. Et on ne peut pas. Ou alors virtuellement, avec le souvenir entĂȘtant d'une Ă©nigme amoureuse. Travail personnel de 1 Les Petites vieilles » de Charles BaudelaireIDans les plis sinueux des vieilles capitales,OĂč tout, mĂȘme l'horreur, tourne aux enchantements,Je guette, obĂ©issant Ă  mes humeurs fatalesDes ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et monstres disloquĂ©s furent jadis des femmes,Éponine ou LaĂŻs ! Monstres brisĂ©s, bossusOu tordus, aimons-les ! ce sont encor des des jupons trouĂ©s et sous de froids tissusIls rampent, flagellĂ©s par les bises iniques,FrĂ©missant au fracas roulant des omnibus,Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques,Un petit sac brodĂ© de fleurs ou de rĂ©bus ;Ils trottent, tout pareils Ă  des marionnettes ;Se traĂźnent, comme font les animaux blessĂ©s,Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettesOĂč se pend un DĂ©mon sans pitiĂ© ! Tout cassĂ©sQu'ils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille,Luisants comme ces trous oĂč l'eau dort dans la nuit ;Ils ont les yeux divins de la petite filleQui s'Ă©tonne et qui rit Ă  tout ce qui Avez-vous observĂ© que maints cercueils de vieillesSont presque aussi petits que celui d'un enfant ?La Mort savante met dans ces biĂšres pareillesUn symbole d'un goĂ»t bizarre et captivant,Et lorsque j'entrevois un fantĂŽme dĂ©bileTraversant de Paris le fourmillant tableau,Il me semble toujours que cet ĂȘtre fragileS'en va tout doucement vers un nouveau berceau ;A moins que, mĂ©ditant sur la gĂ©omĂ©trie,Je ne cherche, Ă  l'aspect de ces membres discords,Combien de fois il faut que l'ouvrier varieLa forme de la boĂźte oĂč l'on met tous ces Ces yeux sont des puits faits d'un million de larmes,Des creusets qu'un mĂ©tal refroidi pailleta...Ces yeux mystĂ©rieux ont d'invincibles charmesPour celui que l'austĂšre Infortune allaita ! II De Frascati dĂ©funt Vestale enamourĂ©e ;PrĂȘtresse de Thalie, hĂ©las ! dont le souffleurEnterrĂ© sait le nom ; cĂ©lĂšbre Ă©vaporĂ©eQue Tivoli jadis ombragea dans sa fleur,Toutes m'enivrent ; mais parmi ces ĂȘtres frĂȘlesIl en est qui, faisant de la douleur un mielOnt dit au DĂ©vouement qui leur prĂȘtait ses ailes Hippogriffe puissant, mĂšne-moi jusqu'au ciel !L'une, par sa patrie au malheur exercĂ©e,L'autre, que son Ă©poux surchargea de douleurs,L'autre, par son enfant Madone transpercĂ©e,Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs ! III Ah ! que j'en ai suivi de ces petites vieilles !Une, entre autres, Ă  l'heure oĂč le soleil tombantEnsanglante le ciel de blessures vermeilles,Pensive, s'asseyait Ă  l'Ă©cart sur un banc,Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre,Dont les soldats parfois inondent nos jardins,Et qui, dans ces soirs d'or oĂč l'on se sent revivre,Versent quelque hĂ©roĂŻsme au coeur des droite encor, fiĂšre et sentant la rĂšgle,Humait avidement ce chant vif et guerrier ;Son oeil parfois s'ouvrait comme l'oeil d'un vieil aigle ;Son front de marbre avait l'air fait pour le laurier ! IV Telles vous cheminez, stoĂŻques et sans plaintes,A travers le chaos des vivantes citĂ©s,MĂšres au coeur saignant, courtisanes ou saintes,Dont autrefois les noms par tous Ă©taient qui fĂ»tes la grĂące ou qui fĂ»tes la gloire,Nul ne vous reconnaĂźt ! un ivrogne incivilVous insulte en passant d'un amour dĂ©risoire ;Sur vos talons gambade un enfant lĂąche et d'exister, ombres ratatinĂ©es,Peureuses, le dos bas, vous cĂŽtoyez les murs ;Et nul ne vous salue, Ă©tranges destinĂ©es !DĂ©bris d'humanitĂ© pour l'Ă©ternitĂ© mĂ»rs !Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille,L'oeil inquiet, fixĂ© sur vos pas incertains,Tout comme si j'Ă©tais votre pĂšre, ĂŽ merveille !Je goĂ»te Ă  votre insu des plaisirs clandestins Je vois s'Ă©panouir vos passions novices ;Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus ;Mon coeur multipliĂ© jouit de tous vos vices !Mon Ăąme resplendit de toutes vos vertus !Ruines ! ma famille ! ĂŽ cerveaux congĂ©nĂšres !Je vous fais chaque soir un solennel adieu !OĂč serez-vous demain, Èves octogĂ©naires,Sur qui pĂšse la griffe effroyable de Dieu ? Texte 2 Les Usines » d'Emile Verhaeren Les usines », d'Emile Verhaeren [1855-1916]Se regardant avec les yeux cassĂ©s de leurs fenĂȘtres Et se mirant dans l'eau de poix et de salpĂȘtreD'un canal droit, marquant sa barre Ă  l'infini,Face Ă  face, le long des quais d'ombre et de nuit,Par Ă  travers les faubourgs lourdsEt la misĂšre en pleurs de ces faubourgs,Ronflent terriblement usine et de granit et monuments de briques, Et longs murs noirs durant des lieues,ImmensĂ©ment, par les banlieues ;Et sur les toits, dans le brouillard, aiguillonnĂ©esDe fers et de paratonnerres,Les regardant de leurs yeux noirs et symĂ©triques, Par la banlieue, Ă  l' le jour, la nuit,Les usines et les les quartiers rouillĂ©s de pluie et leurs grand-rues ! Et les femmes et leurs guenilles apparues,Et les squares, oĂč s'ouvre, en des cariesDe plĂątras blanc et de scories,Une flore pĂąle et carrefours, porte ouverte, les bars Etains, cuivres, miroirs hagards,Dressoirs d'Ă©bĂšne et flacons folsD'oĂč luit l'alcoolEt sa lueur vers les des pintes qui tout Ă  coup rayonnent,Sur le comptoir, en pyramides de couronnes ;Et des gens soĂ»ls, debout,Dont les larges langues lappent, sans phrases,Les ales d'or et le whisky, couleur Ă  travers les faubourgs lourds Et la misĂšre en pleurs de ces faubourgs,Et les troubles et mornes voisinages,Et les haines s'entrecroisant de gens Ă  gensEt de mĂ©nages Ă  mĂ©nages,Et le vol mĂȘme entre indigents,Grondent, au fond des cours, toujours,Les haletants battements sourdsDes usines et des fabriques symĂ©triques.recueil d'Emile Verhaeren, Les Villes tentaculaires » publiĂ© en 1895 Texte 3 Zone » de Guillaume Apollinaire A la fin tu es las de ce monde ancien BergĂšre ĂŽ tour Eiffel le troupeau des ponts bĂȘle ce matinTu en as assez de vivre dans l'antiquitĂ© grecque et romaineIci mĂȘme les automobiles ont l'air d'ĂȘtre anciennesLa religion seule est restĂ©e toute neuve la religionEst restĂ©e simple comme les hangars de Port-AviationSeul en Europe tu n'es pas antique ĂŽ ChristianismeL'EuropĂ©en le plus moderne c'est vous Pape Pie XEt toi que les fenĂȘtres observent la honte te retientD'entrer dans une Ă©glise et de t'y confesser ce matinTu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout hautVoilĂ  la poĂ©sie ce matin et pour la prose il y a les journauxIl y a les livraisons Ă  25 centimes pleines d'aventure policiĂšresPortraits des grands hommes et mille titres diversJ'ai vu ce matin une jolie rue dont j'ai oubliĂ© le nomNeuve et propre du soleil elle Ă©tait le claironLes directeurs les ouvriers et les belles stĂ©no-dactylographesDu lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passentLe matin par trois fois la sirĂšne y gĂ©mitUne cloche rageuse y aboie vers midiLes inscriptions des enseignes et des muraillesLes plaques les avis Ă  la façon des perroquets criaillentJ'aime la grĂące de cette rue industrielle[...]extrait du poĂšme Zone » de Guillaume Apollinaire, recueil poĂ©tique intitulĂ© Alcools » publiĂ© en 1912. Texte 4 A New York » de LĂ©opold SĂ©dar Senghor [1906-2001], recueil Ethiopiques » 1956.New York ! D'abord j'ai Ă©tĂ© confondu par ta beautĂ©, ces grandes filles d'or aux jambes timide d'abord devant tes yeux de mĂ©tal bleu, ton sourire de givreSi timide. Et l'angoisse au fond des rues Ă  gratte-cielLevant des yeux de chouette parmi l'Ă©clipse du ta lumiĂšre et les fĂ»ts livides, dont les tĂȘtes foudroient le cielLes gratte-ciel qui dĂ©fient les cyclones sur leurs muscles d'acier et leur peau patinĂ©e de quinze jours sur les trottoirs chauves de Manhattan– C'est au bout de la troisiĂšme semaine que vous saisit la fiĂšvre en un bond de jaguarQuinze jours sans un puits ni pĂąturage, tous les oiseaux de l'airTombant soudain et morts sous les hautes cendres des un rire d'enfant en fleur, sa main dans ma main fraĂźchePas un sein maternel, des jambes de nylon. Des jambes et des seins sans sueur ni un mot tendre en l'absence de lĂšvres, rien que des cœurs artificiels payĂ©s en monnaie forteEt pas un livre oĂč lire la sagesse. La palette du peintre fleurit des cristaux de d'insomnie ĂŽ nuits de Manhattan ! si agitĂ©es de feux follets, tandis que les klaxons hurlent des heures videsEt que les eaux obscures charrient des amours hygiĂ©niques, tels des fleuves en crue des cadavres d'enfants.[...]Extrait du poĂšme A New York » de LĂ©opold SĂ©dar Senghor [1906-2001], publiĂ© dans le recueil Ethiopiques » 1956. Posted on Saturday, 06 April 2019 at 1209 PMEdited on Saturday, 06 April 2019 at 138 PM

\n \ndans les plis sinueux des vieilles capitales
Dansles plis sinueux des vieilles capitales I A midi moins cinq, François-FrĂ©dĂ©ric Lachouan se leva. D'un tiroir de son bureau, il sortit son verre et une boĂźte d'ampoules. Il ouvrit la boĂźte, saisit l'une des ampoules entre l'index et le pouce — qu'il avait robuste et spatulĂ© — puis, de deux coups secs de sa petite scie, en entama les extrĂ©- mitĂ©s. Il avait acquis Ă  cette
Galaade 29€ TTC Prix indicatifAcheter », deuxmillionsdesignes, cinq ans d’écriture, six de gestation, 1 776 pages entre les mains du lecteur Dans les plis sinueux des vieilles capitales est plus qu’un pavĂ© ; c’est un roman qui se refuse et sa rĂ©ception s’annonce aussi sinueuse que le promet son titre. Entretien vidĂ©o avec l’auteur et trĂšs long extrait du roman en fin d’ la suite de l'article sur Mediapart Sylvie Taussig ou comment rĂ©sister Ă  l’enchantement de Paris

Dansles plis sinueux des vieilles capitales. 15,00 € TTC Christian Chavassieux / Yveline Loiseur. Format 12 x 9 cm leporello (408 cm dĂ©pliĂ©) ISBN 978-2-35575-127-1. QuantitĂ© Ajouter au panier Disponible RĂ©fĂ©rence; RĂ©fĂ©rence D23. Christian Chavassieux / Yveline Loiseur. Format 12 x 9 cm leporello (408 cm dĂ©pliĂ©) ISBN 978-2-35575-127-1. Infos pratiques. Infos pratiques

À Victor Hugo I Dans les plis sinueux des vieilles capitales, OĂč tout, mĂȘme l'horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obĂ©issant Ă  mes humeurs fatales, Des ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et charmants. Ces monstres disloquĂ©s furent jadis des femmes, Éponyme ou LaĂŻs ! — Monstres brisĂ©s, bossus Ou tordus, aimons-les ! Ce sont encor des Ăąmes. Sous des jupons trouĂ©s et sous de froids tissus. Ils rampent, flagellĂ©s par les bises iniques, FrĂ©missant au fracas roulant des omnibus, Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques, Un petit sac brodĂ© de fleurs ou de rĂ©bus ; Ils trottent, tout pareils Ă  des marionnettes ; Se traĂźnent, comme font les animaux blessĂ©s, Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettes OĂč se pend un DĂ©mon sans pitiĂ© ! Tout cassĂ©s Qu'ils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille, Luisants comme ces trous oĂč l'eau dort dans la nuit ; Ils ont les yeux divins de la petite fille Qui s'Ă©tonne et qui rit Ă  tout ce qui reluit. — Avez-vous observĂ© que maints cercueils de vieilles Sont presque aussi petits que celui d'un enfant ? La Mort savante met dans ces biĂšres pareilles Un symbole d'un goĂ»t bizarre et captivant, Et lorsque j'entrevois un fantĂŽme dĂ©bile Traversant de Paris le fourmillant tableau, Il me semble toujours que cet ĂȘtre fragile S'en va tout doucement vers un nouveau berceau. À moins que, mĂ©ditant sur la gĂ©omĂ©trie, Je ne cherche, Ă  l'aspect de ces membres discords, Combien de fois il faut que l'ouvrier varie La forme d'une boĂźte oĂč l'on met tous ces corps. — Ces yeux sont des puits faits d'un million de larmes, Des creusets qu'un mĂ©tal refroidi pailleta
 Ces yeux mystĂ©rieux ont d'invincibles charmes Pour celui que l'austĂšre Infortune allaita ! II De Frascati dĂ©funt Vestale enamourĂ©e ; PrĂȘtresse de Thalie, hĂ©las ! Dont le souffleur EnterrĂ© sait le nom ; cĂ©lĂšbre Ă©vaporĂ©e Que Tivoli jadis ombragea dans sa fleur, Toutes m'enivrent ! Mais parmi ces ĂȘtres frĂȘles Il en est qui, faisant de la douleur un miel, Ont dit au DĂ©vouement qui leur prĂȘtait ses ailes Hippogriffe puissant, mĂšne-moi jusqu'au ciel !» L'une, par sa patrie au malheur exercĂ©e, L'autre, que son Ă©poux surchargea de douleurs, L'autre, par son enfant Madone transpercĂ©e, Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs ! III Ah ! Que j'en ai suivi de ces petites vieilles ! Une, entre autres, Ă  l'heure oĂč le soleil tombant Ensanglante le ciel de blessures vermeilles, Pensive, s'asseyait Ă  l'Ă©cart sur un banc, Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre, Dont les soldats parfois inondent nos jardins, Et qui, dans ces soirs d'or oĂč l'on se sent revivre, Versent quelque hĂ©roĂŻsme au cƓur des citadins. Celle-lĂ , droite encor, fiĂšre et sentant la rĂšgle, Humait avidement ce chant vif et guerrier ; Son Ɠil parfois s'ouvrait comme Ɠil d'un vieil aigle ; Son front de marbre avait l'air fait pour le laurier ! IV Telles vous cheminez, stoĂŻques et sans plaintes, À travers le chaos des vivantes citĂ©s, MĂšres au cƓur saignant, courtisanes ou saintes, Dont autrefois les noms par tous Ă©taient citĂ©s. Vous qui fĂ»tes la grĂące ou qui fĂ»tes la gloire, Nul ne vous reconnaĂźt ! Un ivrogne incivil Vous insulte en passant d'un amour dĂ©risoire ; Sur vos talons gambade un enfant lĂąche et vil. Honteuses d'exister, ombres ratatinĂ©es, Peureuses, le dos bas, vous cĂŽtoyez les murs ; Et nul ne vous salue, Ă©tranges destinĂ©es ! DĂ©bris d'humanitĂ© pour l'Ă©ternitĂ© mĂ»rs ! Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille, L'ƒil inquiet, fixĂ© sur vos pas incertains, Tout comme si j'Ă©tais votre pĂšre, ĂŽ merveille ! Je goĂ»te Ă  votre insu des plaisirs clandestins Je vois s'Ă©panouir vos passions novices ; Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus ; Mon cƓur multipliĂ© jouit de tous vos vices ! Mon Ăąme resplendit de toutes vos vertus ! Ruines ! Ma famille ! Ô cerveaux congĂ©nĂšres ! Je vous fais chaque soir un solennel adieu ! OĂč serez-vous demain, Èves octogĂ©naires, Sur qui pĂšse la griffe effroyable de Dieu ? 1776 pages, un « monstre » aux dires de son Ă©ditrice, « deux millions de signes » : le roman de Sylvie Taussig, Dans les plis sinueux des A Victor Hugo. I Dans les plis sinueux des vieilles capitales, OĂč tout, mĂȘme l'horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obĂ©issant Ă  mes humeurs fatales, Des ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et charmants. Ces monstres disloquĂ©s furent jadis des femmes, Eponine ou LaĂŻs ! Monstres brisĂ©s, bossus Ou tordus, aimons-les! ce sont encor des Ăąmes. Sous des jupons trouĂ©s et sous de froids tissus Ils rampent, flagellĂ©s par les bises iniques, FrĂ©missant au fracas roulant des omnibus, Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques, Un petit sac brodĂ© de fleurs ou de rĂ©bus; Ils trottent, tout pareils Ă  des marionnettes; Se traĂźnent, comme font les animaux blessĂ©s, Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettes OĂč se pend un DĂ©mon sans pitiĂ©! Tout cassĂ©s Qu'ils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille, Luisants comme ces trous oĂč l'eau dort dans la nuit; Ils ont les yeux divins de la petite fille Qui s'Ă©tonne et qui rit Ă  tout ce qui reluit. Avez-vous observĂ© que maints cercueils de vieilles Sont presque aussi petits que celui d'un enfant? La Mort savante met dans ces biĂšres pareilles Un symbole d'un goĂ»t bizarre et captivant, Et lorsque j'entrevois un fantĂŽme dĂ©bile Traversant de Paris le fourmillant tableau, Il me semble toujours que cet ĂȘtre fragile S'en va tout doucement vers un nouveau berceau; A moins que, mĂ©ditant sur la gĂ©omĂ©trie, Je ne cherche, Ă  l'aspect de ces membres discords, Combien de fois il faut que l'ouvrier varie La forme de la boĂźte oĂč l'on met tous ces corps. Ces yeux sont des puits faits d'un million de larmes, Des creusets qu'un mĂ©tal refroidi pailleta... Ces yeux mystĂ©rieux ont d'invincibles charmes Pour celui que l'austĂšre Infortune allaita! II De Frascati dĂ©funt Vestale Ă©namourĂ©e; PrĂȘtresse de Thalie, hĂ©las ! dont le souffleur EnterrĂ© sait le nom; cĂ©lĂšbre Ă©vaporĂ©e Que Tivoli jadis ombragea dans sa fleur, Toutes m'enivrent! mais parmi ces ĂȘtres frĂȘles Il en est qui, faisant de la douleur un miel, Ont dit au DĂ©vouement qui leur prĂȘtait ses ailes Hippogriffe puissant, mĂšne-moi jusqu'au ciel! L'une, par sa patrie au malheur exercĂ©e, L'autre, que son Ă©poux surchargea de douleurs, L'autre, par son enfant Madone transpercĂ©e, Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs ! Ah! que j'en ai suivi de ces petites vieilles! Une, entre autres, Ă  l'heure oĂč le soleil tombant Ensanglante le ciel de blessures vermeilles, Pensive, s'asseyait Ă  l'Ă©cart sur un banc, Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre, Dont les soldats parfois inondent nos jardins, Et qui, dans ces soirs d'or oĂč l'on se sent revivre, Versent quelque hĂ©roĂŻsme au cƓur des citadins. Celle-lĂ , droite encor, fiĂšre et sentant la rĂšgle, Humait avidement ce chant vif et guerrier; Son Ɠil parfois s'ouvrait comme l'Ɠil d'un vieil aigle; Son front de marbre avait l'air fait pour le laurier! Telles vous cheminez, stoĂŻques et sans plaintes, A travers le chaos des vivantes citĂ©s, MĂšres au cƓur saignant, courtisanes ou saintes, Dont autrefois les noms par tous Ă©taient citĂ©s. Vous qui fĂ»tes la grĂące ou qui fĂ»tes la gloire, Nul ne vous reconnaĂźt ! un ivrogne incivil Vous insulte en passant d'un amour dĂ©risoire; Sur vos talons gambade un enfant lĂąche et-vil. Honteuses d'exister, ombres ratatinĂ©es, Peureuses, le dos bas, vous cĂŽtoyez les murs; Et nul ne vous salue, Ă©tranges destinĂ©es ! DĂ©bris d'humanitĂ© pour l'Ă©ternitĂ© mĂ»rs! Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille, L'Ɠil inquiet, fixĂ© sur vos pas incertains, Tout comme si j'Ă©tais votre pĂšre, ĂŽ merveille! Je goĂ»te Ă  votre insu des plaisirs clandestins Je vois s'Ă©panouir vos passions novices ; Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus; Mon cƓur multipliĂ© jouit de tous vos vices! Mon Ăąme resplendit de toutes vos vertus ! Ruines ! ma famille ! ĂŽ cerveaux congĂ©nĂšres ! Je vous fais chaque soir un solennel adieu ! OĂč serez-vous demain, Èves octogĂ©naires, Sur qui pĂšse la griffe effroyable de Dieu? © WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion rĂ©servĂ©s. Dansles plis sinueux des vieilles capitales, OĂč tout, mĂȘme l'horreur tourne aux enchantements, Je guette, obĂ©issant Ă  mes humeurs fatales, Des ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pis et charmants.9 Dans notre optique l'essentiel est que ces deux poĂšmes aient Ă©tĂ© d'abord publiĂ©s sous le titre de FantĂŽmes parisiens. De fantĂŽmes Ă  fantaisie et Ă  fĂ©erie il n'y a qu'un pas, et le RĂ©sumĂ© Index Texte Notes Citation Auteur RĂ©sumĂ©s La foi profonde de Renoir, Monet, Pissarro et Sisley dans le progrĂšs, leur vision positiviste, leur permettent de donner une image parfaitement optimiste de l’espace urbain parisien. Ces pionniers de la modernitĂ© », les premiers Ă  reprĂ©senter sereinement des scĂšnes de la vie contemporaine, sont probablement aussi les derniers Ă  croire en une Ă©volution sans l’instar de Degas ou Manet, Caillebotte est, l’histoire nous l’a prouvĂ©, plus lucide. Le Paris qu’il figure n’est pas un espace saturĂ© de communications ou de foules qui flĂąnent sur les boulevards mais un vide oĂč Ă©voluent des inconnus, Ă©trangers les uns aux autres. La collision et l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des espaces urbains, l’impossibilitĂ© d’en donner une image unifiĂ©e, le sentiment de vertige contredisent l’apparente rĂ©gularitĂ© de l’ordre urbain. L’Ɠuvre de Caillebotte nous permet ainsi de percevoir les signes encore discrets de l’inhumanitĂ© des mĂ©tropoles modernes. Le caractĂšre mĂ©lancolique de ses toiles indique que la modernitĂ© de la ville haussmannienne est dĂ©jĂ  perçue avec un regard nostalgique. The deep faith of Renoir, Monet, Pissarro and Sisley in progress, their positivist view, enable them to give a very optimistic view of the Parisian urban space. These pioneers of modernity », the first to represent the scenes of contemporary life, are probably the last to believe in a smooth Degas and Manet, Caillebotte, history has proven, is more lucid. In his paintings, the capital of France is not a space saturated with communication or loitering crowds on the boulevards but a vacuum where walkers are strangers to each other. Collision and heterogeneity of urban areas, the inability to give a unified image, the feeling of dizziness, contradict the apparent regularity of the urban order. Caillebote’s work allows us to see the signs yet discrete of inhumanity of modern cities. The melancholy of his paintings indicates that the modernity of the city transformed by Haussmann is already seen with a nostalgic de page EntrĂ©es d’index Haut de page Texte intĂ©gral À Hedva et Ze’ev Carmeli. 1C’est un fait connu le terrain privilĂ©giĂ© oĂč les impressionnistes posent leur palette se situe au bord d’un fleuve, face au paysage souriant. Souvent, mĂȘme quand ils traitent l’espace urbain, ce sont les espaces verts qu’ils affectionnent. Mais pas de n’importe quelle ville. Certes, Pissarro exĂ©cute une suite impressionnante de vues du Havre et de Rouen. Rouen, oĂč Monet peint Ă©galement sa fameuse sĂ©rie de cathĂ©drales. Cependant, ces escapades restent limitĂ©es par comparaison avec leur fascination pour la capitale qui se modifie sous leurs yeux. De fait, les annĂ©es 1870 sont un moment historique, oĂč l’organisation de Paris trouve son prolongement dans ce mouvement pictural. Au cours de cette pĂ©riode de consolidation de la sociĂ©tĂ© bourgeoise dans la ville moderne, qui se cristallise autour du mythe de Paris, capitale de l’Europe, deux Ă©vĂ©nements font date 1872 voit la fin de la restructuration de Paris, opĂ©ration d’une ampleur considĂ©rable entreprise par Haussmann, prĂ©fet de police de NapolĂ©on III ; deux ans plus tard, la premiĂšre exposition impressionniste ouvre ses portes. Simple coĂŻncidence ? Risquons une hypothĂšse et si les impressionnistes, qui se sont surtout illustrĂ©s dans le genre du paysage, avaient aussi Ă©tĂ© les premiers peintres officiels de la ville haussmannienne ? 1 Pissarro Ă©crit en 1897 Ă  son fils, Lucien Ce n’est peut-ĂȘtre trĂšs esthĂ©tique, mais je suis ench ... 2 Nos artistes doivent trouver la poĂ©sie des gares, comme leurs pĂšres ont trouvĂ© celle des forĂȘts e ... 3 On ne verra jamais chez eux les plis sinueux des vieilles capitales », C. Baudelaire, Les petit ... 2Quelles furent les motivations d’Haussmann ? Renforcer les nouveaux axes du dĂ©veloppement Ă©conomique, l’ordre public et la rentabilitĂ© fonciĂšre en crĂ©ant de grandes artĂšres, en accĂ©lĂ©rant la construction des gares, en valorisant, enfin, les beaux quartiers ». Les peintres semblent partager cette conception de la modernitĂ©1. Caillebotte peint le pont de l’Europe, Monet multiplie les vues de la gare Saint-Lazare, hommage Ă  la richesse du rĂ©seau de communications de la capitale2. Les visions plongeantes de Pissarro mettent en valeur la majestueuse perspective du boulevard Montmartre et du boulevard de l’OpĂ©ra tout en exaltant la flĂąnerie. Les tons sombres en sont dĂ©libĂ©rĂ©ment exclus, la palette Ă©claircie est comme la cĂ©lĂ©bration d’une architecture qui a horreur du plein et du tortueux3. C’est lĂ  une nouvelle image de Paris, une image pittoresque, qui sera reprise ensuite par le cinĂ©ma, surtout amĂ©ricain. 3La luminositĂ© de ces tableaux qui figurent les vastes espaces dĂ©gagĂ©s Les Grand Boulevards mais aussi la Place du Carrousel, le pont des Arts, Saint-Germain l’Auxerrois
 vise-t-elle Ă  nous aveugler sur les cicatrices, les considĂ©rables rĂ©sidus de la misĂšre d’une ville qui refait sa toilette ? Toutes les traces du plus imposant chantier du xixe siĂšcle sont ici volontairement effacĂ©es, de mĂȘme que les traces des incendies de la Commune durant la semaine sanglante de mai 1871. La croissance urbaine, consĂ©quence de l’industrialisation et de l’exode rural, semble se rĂ©soudre sans peine dans des modĂšles abstraits oĂč l’ancien centre ville est encerclĂ© par les nouveaux quartiers, dans un mouvement sĂ©riel infini qui absorbe les nouveaux arrivants. 4 Kirk Varnedoe, Gustave Caillebotte, Paris, Adam Biro, 1988, p. 88. 4La peinture de Caillebotte ne montre pas d’autres quartiers de la capitale que ses confrĂšres. Comme les autres impressionnistes, il situe ses tableaux dans le cadre de la nouvelle architecture haussmannienne. D’autant plus, que ce choix semble parfaitement naturel il est chez lui. Caillebotte, qui vient d’une famille fortunĂ©e, habite dans cet arrondissement pratiquement dĂšs sa naissance. En quelque sorte, il est le sismographe de l’évolution de l’urbanisme parisien. Ses scĂšnes se situent dans cet ensemble incomparablement homogĂšne et sans mĂ©lange de la nouvelle apparence que les boulevards haussmanniens avaient imposĂ©s un peu partout Ă  Paris
 La ville moderne avait des dimensions impressionnantes, une Ă©lĂ©gance sĂ©curisante et une propretĂ© impeccable. Caillebotte restitue tous ces composants de la modernitĂ© et les souligne jusque dans ses personnages qui sont tous habillĂ©s Ă  la derniĂšre mode », et, ajoute Kirk Varnedoe, [i]l nous communique aussi une autre sensation, dans un registre tout diffĂ©rent et moins positif »4. C’est que Caillebotte aboutit Ă  partir de thĂšmes et de techniques relativement similaires Ă  celles d’autres impressionnistes Ă  des visions bien diffĂ©rentes de la ville. 5De fait, quelle Ă©trange modernitĂ© que celle de Caillebotte ! Certes, son regard est irrĂ©sistiblement attirĂ© par le spectacle des rues de Paris, les scĂšnes de la vie contemporaine. Comme les impressionnistes, il prĂ©sente au spectateur les rĂ©alisations urbaines les plus audacieuses les structures mĂ©talliques du pont de l’Europe, les larges boulevards rĂ©cemment tracĂ©s par le baron Haussmann, qui sont un motif rĂ©current chez le peintre dans les annĂ©es 1876-1882. Le Paris de Caillebotte serait-il celui de la mĂȘme capitale de l’Europe que cĂ©lĂšbrent tous les impressionnistes ? Les dates importantes de la biographie de Caillebotte recoupent en effet celles des travaux de rĂ©novation de la capitale. À l’ñge de dix-huit ans, le peintre s’installe avec sa famille dans une maison Ă©lĂ©gante, un hĂŽtel particulier de trois Ă©tages qu’a fait construire son pĂšre, Ă  l’angle de la rue Miromesnil et de la rue de Lisbonne. On est tout prĂšs de la place de l’Europe, le dernier quartier construit Ă  la mode, un quartier rĂ©sidentiel soigneusement planifiĂ©, destinĂ© Ă  la grande bourgeoisie. Plus tard, la famille dĂ©mĂ©nage au 77, rue de Miromesnil, Ă  deux pas de la gare Saint-Lazare. Caillebotte se trouve ainsi au cƓur de cette partie de Paris qu’il reprĂ©sentera si souvent. L’artiste dĂ©mĂ©nage ensuite dans un appartement situĂ©, de façon on ne peut plus symbolique, sur le boulevard Haussmann. C’est de ce poste de commande » situĂ© au sixiĂšme Ă©tage que le peintre effectue de nombreuses vues plongeantes sur les rues de Paris. Caillebotte partage ainsi avec les autres artistes l’idĂ©e selon laquelle le milieu urbain serait le plus propice Ă  l’observation des nouvelles formes plastiques et oĂč les larges et longues avenues permettent de changer perspectives et points de vue. On pourra mĂȘme dire que chez lui l’architecture, transcrite avec prĂ©cision, occupe une place encore plus importante que chez les autres impressionnistes. 5 PrĂ©sentĂ© Ă  l’exposition impressionniste de 1877, le tableau reçoit un accueil plutĂŽt favorable ... 6 Bertail, Le Soir, 1876. 6Caillebotte fut probablement tĂ©moin de la derniĂšre phase de la construction du pont de l’Europe, qui fut inaugurĂ© en 1868. Cette vaste construction de fer qui enjambe les rails de la gare St-Lazare a immĂ©diatement fascinĂ© le public. DĂšs 1867, le Guide de Paris mentionne cette curieuse structure mĂ©tallique qui Ă©tonne par sa forme bizarre et par son immensitĂ© ». Le sujet est rĂ©solument moderne, Ă  la fois par son architecture en fonte et par sa situation, prĂšs d’une gare. Ces cathĂ©drales de l’humanitĂ© nouvelle oĂč se dĂ©ploie la religion du siĂšcle, Ă©crit ThĂ©ophile Gautier, sont le point de rencontre des nations, le centre oĂč tout converge ». Selon une lĂ©gende familiale, la fascination de Caillebotte pour le pont de l’Europe fut telle qu’il se fit construire un omnibus de verre afin de pouvoir l’observer et le peindre par tous les temps5. Contrairement aux vues de la gare Saint-Lazare peintes Ă  la mĂȘme pĂ©riode par Monet Caillebotte en achĂštera trois versions, oĂč l’écran de fumĂ©e obstrue la vision, l’image du pont est trĂšs nette. En effet, le peintre ne cherche pas Ă  dĂ©composer le sujet mais au contraire Ă  l’inscrire dans une gĂ©omĂ©trie inflexible. Le regard est contraint de suivre les principales lignes de composition une sĂ©rie de diagonales qui, dans un effet de pĂ©nĂ©tration accĂ©lĂ©rĂ©e, convergent vers un point de fuite situĂ© de façon inhabituelle au centre de la toile. M. Caillebotte, Ă©crit ainsi un critique contemporain, si remarquable par son mĂ©pris de la perspective, saurait trĂšs bien, s’il voulait, faire la perspective comme le premier venu. Mais son originalitĂ© y perdrait. Il ne fera pas cette faute6». Le pont de l’Europe 7La perspective est soulignĂ©e par les barres obliques, qui constituent un relais entre le grand angle du premier plan et le second plan. Cependant, le peintre joue subtilement sur l’orientation des regards pour contredire la rigiditĂ© de la perspective. Un couple de promeneurs s’avance vers le spectateur. AttirĂ© dans la mĂȘme direction que celui de l’homme, notre regard est progressivement reconduit vers le premier plan, sur le personnage accoudĂ© Ă  la balustrade. TournĂ© vers sa droite, il nous incite Ă  son tour Ă  fixer notre regard dans une direction perpendiculaire Ă  l’axe du tableau. À ce chassĂ©-croisĂ© oculaire s’ajoute une composition toute en contraste. Contraste entre l’élĂ©gance du couple bourgeois et la mĂ©lancolie de l’ouvrier ; entre la singularitĂ© des figures et la rĂ©pĂ©tition rythmique des croisillons de fer brut ; entre le bleu azur du ciel et le gris mĂ©tallique des poutrelles. Le pont de Caillebotte est fragmentĂ©, arbitrairement interrompu par le bord de la toile. Chaque personnage est orientĂ© dans une direction diffĂ©rente, les regards ne se croisent pas, les mouvements sont figĂ©s. Les individus paraissent artificiellement rĂ©unis par la perspective ; la coexistence sociale n’implique pas d’échanges. Temps de pluie, esquisse 7 E. Lepelletier, Le Radical, 1877 8 Kirk Varnedoe, op. cit. 8Toutefois, c’est probablement avec Rue de Paris, temps de pluie 1877 que l’activisme urbain, l’emblĂšme indiscutable de la modernitĂ© dans le dernier quart du siĂšcle, est Ă©trangement absent. Le fait est d’autant plus remarquable que ce tableau monumental aux dimensions exceptionnelles 212/276 reste une des Ɠuvres les plus ambitieuses de Caillebotte, avec Le Pont de l’Europe. Nous sommes proches de l’hĂŽtel particulier occupĂ© par l’artiste et sa famille, dans le quartier nommĂ© La Nouvelle AthĂšnes. Cette place en Ă©toile oĂč se croisent la rue de Tourin, la rue de Moscou et la rue Clapeyron, est reprĂ©sentĂ©e avec une ampleur presque dĂ©mesurĂ©e du premier plan. Une lumiĂšre grise se reflĂšte dans les pavĂ©s mouillĂ©s. Un couple, grandeur nature, se dirige vers le spectateur, d’un mouvement si dĂ©terminĂ© que celui-ci a tendance Ă  reculer. Des personnages isolĂ©s dĂ©ambulent comme des automates. Les parapluies qui protĂšgent les passants de la trĂšs lĂ©gĂšre pluie, fonctionnent surtout comme des abris contre tout contact visuel possible. L’espace, dĂ©mesurĂ©ment large, tel que l’Ɠil ne pourrait le saisir que dans l’objectif grand angle » d’un appareil photographique, crĂ©e une sensation de vacuitĂ© et de vide psychologique. Le regard erre sans pouvoir se fixer de façon dĂ©finitive. La critique contemporaine ne s’est pas trompĂ©e c’est l’Ɠil du spectateur tiraillĂ© en tous sens par les choses de seconde importance... le talent de l’artiste et l’attention du spectateur s’éparpillent Ă©galement dans cette diffusion7 ». Toutefois, l’étrangetĂ© explicite de cette image s’explique par la tension entre la chorĂ©graphie absurde du ballet des personnages et l’ordonnancement gĂ©omĂ©trique, qui prĂ©figurent Seurat. Ce tableau se construit sur un signe d’addition gĂ©ant, partagĂ© en deux dans le sens horizontal par la ligne qui traverse les tĂȘtes et suit la base des Ă©difices, et dans le sens vertical par le rĂ©verbĂšre et son reflet » Ă©crit justement Kirk Varnedoe8. 9La prĂ©cision du rendu est presque celle d’une composition abstraite. L’importance accordĂ©e, dans les dessins prĂ©paratoires, au cadre architectural, Ă  la perspective, mĂ©ticuleusement exĂ©cutĂ©e avec une rĂšgle, aux esquisses de personnages et de dĂ©tails, exclut toute idĂ©e de hasard, de crĂ©ation spontanĂ©e » et s’éloigne souvent de la sommaire facture impressionniste. 9 Ce sentiment d’aliĂ©nation est d’autant plus frappant quand il s’agit des scĂšnes d’intĂ©rieur. Les qu ... 10Le Paris de Caillebotte n’est pas un espace saturĂ© de communications mais un vide oĂč Ă©voluent des inconnus Ă©trangers les uns aux autres9. La ville du plus parisien des peintres impressionnistes rappelle ainsi davantage la CitĂ© IdĂ©ale de Piero della Francesca, espace austĂšre, quadrillĂ© et quasi dĂ©peuplĂ©, que celle de Renoir, Monet ou Pissarro, oĂč les jeux de lumiĂšre mettent au contraire l’accent sur l’animation de la foule. Ses images prennent l’allure d’un dĂ©cor théùtral, oĂč l’homme devient le simple point de repĂšre d’une organisation spatiale mĂ©thodique. Le silence, le temps suspendu, l’immobilisation des personnages, tout cela rappelle le moment prĂ©cĂ©dant une reprĂ©sentation. Mais chez Caillebotte, la reprĂ©sentation n’a pas lieu. 11De fait, le peintre ne vise pas simplement Ă  reproduire fidĂšlement des impressions visuelles. L’arrĂȘt sur image qu’il nous propose dĂ©tonne Ă  l’époque de la spontanĂ©itĂ© impressionniste. Loin de chercher Ă  capter le temps qui s’écoule, l’instantanĂ© atmosphĂ©rique, la sensation Ă©phĂ©mĂšre, la mobilitĂ© des ĂȘtres, Caillebotte met Ă  nu l’artifice qui se situe Ă  la base de toute reprĂ©sentation. L’étrangetĂ© du spectacle de la rue chez le peintre, la raretĂ© des personnages, les effets de distanciation – le spectateur semble ĂȘtre sĂ©parĂ© de l’espace urbain par une vitre qui en Ă©touffe les rumeurs – suggĂšrent immĂ©diatement que le vrai enjeu du peintre se trouve ailleurs. Plus que le sujet, c’est sa mise en scĂšne qui importe. Mise en scĂšne sophistiquĂ©e nĂ©cessaire pour obtenir les effets de rĂ©el. Les Ă©lĂ©ments de la composition deviennent des protagonistes Ă  part entiĂšre, dans ces toiles qui nous frappent par leur structure souvent incongrue. La violence de la perspective, le refus d’unifier le champ pictural, le point de fuite dĂ©centrĂ©, la tension contradictoire entre le proche et le lointain, les points de vue dĂ©routants font toute la modernitĂ© du peintre. En derniĂšre instance, Caillebotte affirme la nĂ©cessaire prééminence du regard lui-mĂȘme sur le motif. 10 Caillebotte rĂ©serve les titres descriptifs mais sans prĂ©cision de l’angle de vue aux reprĂ©sentation ... 12Caillebotte s’interroge non sur ce qu’on regarde mais sur la façon dont on regarde, sur les conditions de la visibilitĂ©. Les titres que Caillebotte donne Ă  ces toiles sont, Ă  ce propos, tout Ă  fait Ă©loquents. Les titres descriptifs, topographiques » Boulevard des Capucines, Boulevard Montmartre, Rue Montorgeuil ou Place Clichy, frĂ©quents chez les impressionnistes, deviennent Rue HalĂ©vy, vue d’un sixiĂšme Ă©tage, Boulevard vu d’en haut, Homme au balcon ou Au balcon tout court. C’est la position du spectateur, souvent inclus au premier plan, qui est dĂ©terminante. Le peintre reste avant tout fascinĂ© par le travail du regard dans l’organisation de l’espace pictural, et dans l’introduction de points de vue inhabituels10. Homme au balcon Rue HalĂ©vy, vue d’un sixiĂšme Ă©tage 13Certes, faire du regard le point Ă  partir duquel s’organise l’Ɠuvre n’est pas nouveau. Cependant, la perspective classique visait Ă  assujettir l’espace pictural au point de vue d’un spectateur idĂ©al, de sorte que le tableau se donnait comme un prolongement naturel de l’espace rĂ©el. Cet effet est encore observable dans les tableaux impressionnistes, oĂč de longues perspectives centrĂ©es semblent s’offrir sans solution de continuitĂ© au regard du spectateur. À leur encontre, Caillebotte cherche en permanence Ă  remettre en question cette jouissance tranquille, en interdisant Ă  notre regard un accĂšs passif au champ de la reprĂ©sentation. Montrer explicitement l’activitĂ© visuelle dĂ©ployĂ©e par le peintre et le spectateur face au tableau introduit ainsi un trouble dans nos habitudes visuelles. 11 On ne s’étonnera pas de l’importance que prend dans son Ɠuvre la thĂ©matique du seuil et du bord ... 12 Jean Bernac, The Caillebotte Bequest to the Luxembourg », The Art Journal,1895, pp. 230-232, 308- ... 14La prĂ©sence du regard dans l’Ɠuvre de Caillebotte est systĂ©matique. Ses personnages, des passants, des flĂąneurs, des hommes debout au seuil d’une fenĂȘtre ou sur un balcon sont tous absorbĂ©s dans le spectacle du paysage urbain11. Certains semblent toutefois se consacrer Ă  une autre activitĂ©, qui vient masquer leur prĂ©occupation essentielle. Avec Peintres en bĂątiment 1877 la mise en scĂšne est astucieuse. Le titre suggĂšre qu’on aura la description rĂ©aliste d’une scĂšne devenue courante dans cette pĂ©riode de rĂ©novation de la capitale alors que Caillebotte nous montre en rĂ©alitĂ© deux personnages en train de contempler l’enseigne du magasin qu’ils sont censĂ©s peindre. Le premier, montĂ© sur une Ă©chelle, observe les lettres peintes Ă  quelques centimĂštres Ă  peine, tandis que le second s’est Ă©loignĂ© afin d’avoir une vision d’ensemble. Dans un dessin prĂ©paratoire, l’homme sur l’échelle Ă©tait prĂ©sentĂ© avec un bras tendu vers le haut, en train de peindre, alors que dans l’Ɠuvre dĂ©finitive, les deux personnages ont les bras croisĂ©s. La critique de l’époque trouve amusante cette scĂšne de genre » des peintres en bĂątiment regardent vaguement le petit travail que, sans nul doute, ils sont loin d’avoir achevĂ©. L’attitude est des plus naturelles, et traduit parfaitement le cĂŽtĂ© flĂąneur de l’ouvrier parisien, qui est un brave type, gai et jovial, mais a quelque paresse de tempĂ©rament12 ». Une simple plaisanterie ? Et si ces deux peintres en bĂątiment ? Ă©taient une mise en abyme de la peinture comme regard ? Les deux hommes ont le mĂȘme regard fixe, tournĂ© dans la mĂȘme direction. AbsorbĂ©s dans cette activitĂ©, ils sont comme des allĂ©gories de la vision. Curieusement, les lettres de l’enseigne restent indĂ©chiffrables. Ce regard si concentrĂ© serait-il aveugle ? Manquerait-il de la distance nĂ©cessaire pour donner un semblant d’organisation Ă  la complexitĂ© de l’espace urbain ? Peintres en bĂątiment 13 Caroline Mathieu, Gustave Caillebotte et le nouveau Paris », in Au cƓur de l’impressionnisme, op. ... 15La peinture comme jeu des regards devient pratiquement l’image de marque de Caillebotte. Ainsi, avec IntĂ©rieur, femme Ă  la fenĂȘtre, 1880, la femme, figure principale de cette toile, est vue de dos, face une fenĂȘtre imposante, qui remplit pratiquement la moitiĂ© de la surface du tableau. SymĂ©triquement, de l’autre cĂŽtĂ© de la rue, une autre personne, se trouve Ă  sa fenĂȘtre. Cette figure minuscule, que le spectateur dĂ©couvre seulement en suivant la ligne des rideaux Ă©cartĂ©s, est comme Ă©crasĂ©e par la taille disproportionnĂ©e du personnage fĂ©minin. La composition obĂ©it au schĂ©ma des regards qui se croisent sans se rencontrer. L’impossibilitĂ© de dĂ©chiffrer le sens de l’Ɠuvre est accentuĂ©e par l’enseigne dorĂ©e, placĂ©e de l’autre cĂŽtĂ© du boulevard. Cinq majuscules d’or s’installent au centre du tableau et accaparent l’attention du spectateur sans pour autant livrer la nature du lieu qu’elles annoncent. Par contre, nous pouvons facilement imaginer l’atmosphĂšre qui rĂšgne dans ces intĂ©rieurs, ces images Ă©vocatrices du dĂ©sƓuvrement dans ces intĂ©rieurs bourgeois que connaĂźt bien le peintre, et qui trouve une rĂ©sonnance dans la ville abandonnĂ©e et silencieuse13 ». 14 Comme souvent, Caillebotte se sert comme modĂšles des personnes proches de lui. Ici, c’est son frĂšre ... 15 Charles Ephrussi, Gazette des Beaux-Arts, 1880. 16L’effet de distanciation, caractĂ©ristique des toiles de Caillebotte, est dĂ» Ă  une sĂ©paration marquĂ©e entre le champ pictural et le spectateur. La vision est en effet frĂ©quemment dĂ©tournĂ©e nous avons avant tout un point de vue sur un autre point de vue. Le regard ne pĂ©nĂštre pas directement dans l’espace de la reprĂ©sentation, il est relayĂ© par celui d’un personnage au premier plan, dont la seule activitĂ© est d’observer. Un des premiers tableaux de ce type, Jeune homme Ă  la fenĂȘtre, date de 1876. Un homme vu de dos, lĂ©gĂšrement tournĂ© vers la droite, appuyĂ© sur une rambarde, observe d’une fenĂȘtre une rue presque dĂ©serte14. PlacĂ© dans un intĂ©rieur, ce personnage est protĂ©gĂ© du vide par une balustrade de pierre. Le sentiment de vertige, frĂ©quent dans d’autres tableaux de Caillebotte, est ici Ă©vitĂ©. Pourtant, le spectateur reste sur une impression d’étrangetĂ©. Reprenant un thĂšme courant chez les romantiques, la fenĂȘtre ouverte, ce tableau joue sur le montage » entre le premier et troisiĂšme plan pour produire un effet inĂ©dit. Caillebotte utilise en effet un mode de composition oĂč le premier plan et l’arriĂšre-plan semblent entrer en collision. Le grossissement du premier plan est si poussĂ©, le bas de la toile est si exagĂ©rĂ©ment rĂ©duit la silhouette de la femme sur le bord du trottoir est minuscule, l’effet de raccourci est tel, que l’espace devient irrĂ©el. Quel dommage, regrette la critique, que chez Mr Caillebotte, qui a certaines qualitĂ©s de peintre, les plans successifs n’existent pas, les distances soient supprimĂ©es15. Cette technique, qui vient de la peinture japonaise et qu’on nomme la chute du second plan » Shigemi Inaga, 1984, explique l’effet de tĂ©lescopage spatial » que produisent souvent les toiles de Caillebotte oĂč la rĂ©duction de l’échelle dans la profondeur introduit une sensation incongrue. 16 Au-dedans, c’est par la fenĂȘtre que nous communiquons avec l’extĂ©rieur
 le cadre de la fenĂȘtre, s ... 17 Dans S/Z, Roland Barthe Ă©crit Toute description est une vue. On dirait que l’énonciateur, avant d ... 17Le thĂšme du personnage Ă  la fenĂȘtre devient un motif de prĂ©dilection chez l’artiste, qui en propose de nombreuses versions autour des annĂ©es 1880. FrontiĂšre ou seuil entre le dedans et le dehors, la fenĂȘtre suscite, par sa transparence, le regard c’est un poste d’observation privilĂ©giĂ© de la rĂ©alitĂ© extĂ©rieure16. De plus, les possibilitĂ©s de cadrage diffĂ©rent amplifient son rĂŽle d’ Ă©changeur » entre l’espace intĂ©rieur et extĂ©rieur la fenĂȘtre a ainsi, dans la peinture de Caillebotte, un rĂŽle actif dans la construction du tableau17. En d’autres termes, pour l’art moderne, Ă©mancipĂ© de la narration, le cadrage devient Ă  la fois une nĂ©cessitĂ© et un dĂ©fi. 18L’augmentation du nombre des Ă©tages dans les immeubles de rapport accentue la hauteur et la verticalitĂ© du point de vue. Dans un univers oĂč les femmes sont confinĂ©es aux intĂ©rieurs », ce sont les hommes qui regardent aux balcons, la vogue de ces derniers datant de la pĂ©riode haussmannienne. Ces balcons en corniche permettent d’étonnantes vues plongeantes sur la rue parisienne. Les panoramas peints par Caillebotte sont des visions Ă©loignĂ©es que le peintre situe en dehors de la scĂšne reprĂ©sentĂ©e. Ainsi avec Homme au Balcon, boulevard Haussmann, de 1880, le point de vue se trouve approximativement Ă  l’endroit habitĂ© par le peintre Ă  cette Ă©poque, Ă  l’angle de la rue Gluck. Un homme en redingote et chapeau haut-de-forme nous tourne le dos. Son regard traverse le tableau en diagonale, imposant un axe d’orientation au spectateur. 19DatĂ© de la mĂȘme annĂ©e, Un balcon montre deux personnages dont l’un se penche sur la rampe du balcon et observe le paysage urbain, tandis que l’autre s’adosse de façon nonchalante Ă  la façade de l’immeuble. Les visages sont flous ; la vue de profil accentue l’anonymat de ces hommes qui ne sont plus que des instruments d’optique. Le regard du spectateur suit une ligne Ă©trangement perpendiculaire Ă  celle, fuyante et accĂ©lĂ©rĂ©e, de la perspective. Comme souvent chez Caillebotte, cette toile joue sur la tension entre un regard qui s’approche et un regard qui s’éloigne. Toutefois, nous ne saurons jamais ici ce que scrutent ces deux regards. La vue sur la rue se perd dans les feuillages. L’évĂ©nement se situe hors de la toile, de la mĂȘme façon que le spectateur. Nous restons face Ă  une Ă©nigme. 18 Petit ilot de trottoir sur lequel se dresse la forme Ă©lancĂ©e d’un rĂ©verbĂšre, semblable Ă  un phare ... 20Caillebotte poursuit son entreprise de façon systĂ©matique. Avec Un refuge, boulevard Hausmann 1880, probablement inspirĂ© par les progrĂšs de la photographie, le regard surplombe un Ă©norme rond-point. L’écrasement de la perspective, la taille minuscule des personnages crĂ©ent un sentiment de vertige. SituĂ©s sur la circonfĂ©rence de la place, rĂ©duits Ă  deux touches noires Ă  peine Ă©toffĂ©es par l’ombre de leurs silhouettes, ces personnages semblent placĂ©s sur un cadran solaire qui paraĂźt Ă©trangement flotter dans un espace vide18. Inversement, Caillebotte peut faire du point de vue le vĂ©ritable sujet de son tableau. Dans Vue prise Ă  travers un balcon 1880, le balcon, cet avant-poste d’observation du paysage urbain, se rĂ©duit Ă  sa balustrade, qui interpose entre le regard et la ville ses arabesques de mĂ©tal. 19 A. Joanna, Paris illustrĂ© en 1870 et 1877, Guide de l’étranger et du Parisien, Paris, Hachette, 187 ... 21Vu de prĂšs ou vu de loin, le paysage urbain de Caillebotte reste toujours intrigant. La vision est ici plus complexe, moins naturelle que celle des impressionnistes. Le regard reste celui d’un bourgeois, contemplant les quartiers de sa classe. Cependant, cette ville n’est pas le lieu idyllique dĂ©crit par Monet ou Renoir. Chez ces derniers, les boulevards sont de larges percĂ©es dans lesquelles le spectateur est invitĂ© Ă  pĂ©nĂ©trer. Embellie, la ville se prĂ©sente comme un monde sans conflit, unifiĂ© et cohĂ©rent. La foi profonde des impressionnistes dans le progrĂšs, leur vision positiviste, leur permet de donner une image parfaitement optimiste de l’espace urbain. Leurs toiles seront une parfaite illustration de la description que propose le Guide de l’étranger et du Parisien, en Ă©voquant la rĂ©volution haussmannienne qui crĂ©a avec amour la vĂ©ritable promenade de l’avenir, le vĂ©ritable jardin de la nation Ă©mancipĂ©e, les boulevards19 ». 20 Kirk Varnedoe, op. cit., p. 88. 22Citons pour la derniĂšre fois Kirk Varnedoe qui Ă©crit avec justesse Quand les autres artistes prenaient la ville pour sujet, ils voyaient comme Monet une profusion de formes et de lumiĂšres, un paysage grouillant
 LĂ  oĂč ces artistes nous montrent une foule bigarrĂ©e, Caillebotte nous donne Ă  voir le vide qui s’étire dans des perspectives interminables et n’accueille que des flĂąneurs isolĂ©s. Tandis que d’autres chantent le foisonnement pittoresque, Caillebotte propose laconiquement un Ă©chantillonnage sĂ©lectif dans le cadre d’un ordre rigoureux20 ». 21 Danielle Chaperon, op. cit., p. 68. 23Les boulevards qui deviennent l’espace social sont le signe le plus visible du triomphe de la bourgeoisie Ă  laquelle appartient Caillebotte. Mais, sa position de peintre, celui qui prend du recul face au visible fait que Caillebotte, comme ses personnages, y appartient sans y adhĂ©rer. La question de la bonne distance, ce double mouvement de rapprochement et d’éloignement traverse tout son travail pictural. Le regard qu’il pose sur le regard, cette façon d’entrer dans l’Ɠuvre par procuration, peut-on dire, atteste qu’il fut un Ă©tranger parmi les siens, Ă  la fois proche et sĂ©parĂ© de tous, de plain-pied au bord d’un vide21 ». 24Face Ă  la ville, Ă  l’instar de Degas ou Manet, Caillebotte est, l’histoire nous l’a prouvĂ©, lucide. La collision et l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des espaces urbains, l’impossibilitĂ© d’en donner une image unifiĂ©e, le sentiment de vertige contredisent l’apparente rĂ©gularitĂ© de l’ordre urbain. L’Ɠuvre de Caillebotte nous permet ainsi de percevoir les signes encore discrets de l’inhumanitĂ© des mĂ©tropoles modernes. Le caractĂšre mĂ©lancolique de ces toiles indique que la modernitĂ© de la ville haussmannienne est dĂ©jĂ  perçue avec un regard nostalgique. Dans la ville impressionniste rĂ©sonnent toujours les Ă©chos des sujets de prĂ©dilection de ces peintres, les paysages de campagne. Caillebotte, lui, fuira l’inquiĂ©tante Ă©trangetĂ© du paysage urbain pour l’harmonie des visions de la nature. Ce n’est peut-ĂȘtre que face Ă  l’étendue illimitĂ©e de la plaine La Plaine de Gennevilliers, champs jaunes, 1884 que le peintre atteindra enfin la sĂ©rĂ©nitĂ©. Haut de page Notes 1 Pissarro Ă©crit en 1897 Ă  son fils, Lucien Ce n’est peut-ĂȘtre trĂšs esthĂ©tique, mais je suis enchantĂ© de faire ces rues de Paris que l’on a l’habitude de dire laides, mais qui sont si argentĂ©es, si lumineuses et si vivantes... C’est moderne en plein », Camille Pissarro, Lettres Ă  son fils Lucien, prĂ©sentĂ©e par John Rewald, Paris, Albin Michel, 1950, p. 447. 2 Nos artistes doivent trouver la poĂ©sie des gares, comme leurs pĂšres ont trouvĂ© celle des forĂȘts et des fleuves », affirme Émile Zola en 1877. 3 On ne verra jamais chez eux les plis sinueux des vieilles capitales », C. Baudelaire, Les petites villes », Tableaux parisiens, XCI, Les Fleurs du mal, in ƒuvres complĂštes, GenĂšve, 1975, p. 254. 4 Kirk Varnedoe, Gustave Caillebotte, Paris, Adam Biro, 1988, p. 88. 5 PrĂ©sentĂ© Ă  l’exposition impressionniste de 1877, le tableau reçoit un accueil plutĂŽt favorable M. Caillebotte n’est impressionniste que de nom. Il sait dessiner et peint plus sĂ©rieusement que ses confrĂšres », lit-on dans la Petite RĂ©publique française du mois d’avril. 6 Bertail, Le Soir, 1876. 7 E. Lepelletier, Le Radical, 1877 8 Kirk Varnedoe, op. cit. 9 Ce sentiment d’aliĂ©nation est d’autant plus frappant quand il s’agit des scĂšnes d’intĂ©rieur. Les quelques toiles qui figurent des couples semblent rĂ©unir deux personnes Ă©trangĂšres l’une Ă  l’autre, qui se cĂŽtoient sans ĂȘtre ensemble. 10 Caillebotte rĂ©serve les titres descriptifs mais sans prĂ©cision de l’angle de vue aux reprĂ©sentations urbaines dans lesquelles le spectacle se situe Ă  la hauteur des yeux. Place Saint-Augustin, temps brumeux 1878 ou La Caserne de la PĂ©piniĂšre 1878 11 On ne s’étonnera pas de l’importance que prend dans son Ɠuvre la thĂ©matique du seuil et du bord appuis de fenĂȘtre, pas-de-portes, grilles de balcons, bordures de massif, accotements, dĂ©barcadĂšres, marquent la place du peintre ou des personnages qu’il dĂ©lĂšgue Ă  la contemplations des paysages ou des intĂ©rieurs », Danielle Chaperon, Caillebotte, peintre du plain pied, Point de vue naturalistes », Au cƓur de l’impressionnisme, Lausanne, Fondation l’Hermitage, 2005, p. 64. 12 Jean Bernac, The Caillebotte Bequest to the Luxembourg », The Art Journal,1895, pp. 230-232, 308-310, 358-361. 13 Caroline Mathieu, Gustave Caillebotte et le nouveau Paris », in Au cƓur de l’impressionnisme, op. cit., p. 29. 14 Comme souvent, Caillebotte se sert comme modĂšles des personnes proches de lui. Ici, c’est son frĂšre cadet, RenĂ©, mort la mĂȘme annĂ©e. 15 Charles Ephrussi, Gazette des Beaux-Arts, 1880. 16 Au-dedans, c’est par la fenĂȘtre que nous communiquons avec l’extĂ©rieur
 le cadre de la fenĂȘtre, selon que nous sommes loin ou prĂšs, que nous nous tenons assis ou debout, dĂ©coupe le spectacle extĂ©rieur de la maniĂšre la plus inattendue », Edmond Duranty, La Nouvelle Peinture, Paris, 1876. 17 Dans S/Z, Roland Barthe Ă©crit Toute description est une vue. On dirait que l’énonciateur, avant de dĂ©crire, se poste Ă  la fenĂȘtre, non tellement pour bien voir, mais pour fonder ce qu’il voit par son cadre mĂȘme l’embrassure fait spectacle. DĂ©crire, c’est donc placer le cadre vide que l’auteur rĂ©aliste transporte toujours avec lui », Roland Barthes, S/Z, Paris, Seuil, 1970, coll. Points », pp. 61-62. 18 Petit ilot de trottoir sur lequel se dresse la forme Ă©lancĂ©e d’un rĂ©verbĂšre, semblable Ă  un phare au milieu du flot dĂ©chaĂźnĂ© par des voitures. Cette Ăźle de salut est sans doute l’invention la plus originale et la plus grandiose de l’urbanisme moderne », Camille Sitte, L’art de bĂątir les villes l’urbanisme sur ses fondements artistiques, Paris, Ă©d de l’Equerre, 1980, p. 102 19 A. Joanna, Paris illustrĂ© en 1870 et 1877, Guide de l’étranger et du Parisien, Paris, Hachette, 1877, p. 44, citĂ© in Julia Sagraves La Rue », Caillebotte, Grand Palais, 1995, p. 144. 20 Kirk Varnedoe, op. cit., p. 88. 21 Danielle Chaperon, op. cit., p. 68. Haut de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Itzhak Goldberg, La vision de la ville par les impressionnistes et par Caillebotte », Bulletin du Centre de recherche français Ă  JĂ©rusalem [En ligne], 24 2013, mis en ligne le 20 juin 2013, consultĂ© le 23 aoĂ»t 2022. URL de page Auteur Itzhak Goldberg Itzhak Goldberg est professeur en histoire de l’art Ă  l’UniversitĂ© Jean Monnet, St Étienne. Il se spĂ©cialise en histoire de l’art moderne. Il est critique Ă  Beaux Arts Magazine et parmi ses publications principales figurent Jawlensky ou le visage promis, Paris, Ă©d. L’Harmattan, coll. Ouvertures philosophiques », 1998, Le Visage qui s’efface – de Giacometti Ă  Baselitz, Toulon, HĂŽtel des Arts, 2008 et Installer Ă  paraĂźtre, 2013. Il a Ă©galement publiĂ© de nombreux articles dans des catalogues et des de page Droits d’auteur Tous droits rĂ©servĂ©sHaut de page Les« petites vieilles » rampent ou trottent dans « les plis sinueux des vieilles capitales » ; elles cheminent « Ă  travers le chaos des vivantes citĂ©s ». [16] « Les fenĂȘtres » reprend le thĂšme de la vieille dame ; le narrateur « refait l’histoire de cette femme ».
Dans les plis sinueux des vieilles capitales, OĂč tout, mĂȘme l'horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obĂ©issant Ă  mes humeurs fatales Des ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et monstres disloquĂ©s furent jadis des femmes, Éponine ou LaĂŻs ! Monstres brisĂ©s, bossus Ou tordus, aimons-les ! ce sont encor des Ăąmes. Sous des jupons trouĂ©s et sous de froids tissusIls rampent, flagellĂ©s par les bises iniques, FrĂ©missant au fracas roulant des omnibus, Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques, Un petit sac brodĂ© de fleurs ou de rĂ©bus ;Ils trottent, tout pareils Ă  des marionnettes ; Se traĂźnent, comme font les animaux blessĂ©s, Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettes OĂč se pend un DĂ©mon sans pitiĂ© ! Tout cassĂ©sQu'ils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille, Luisants comme ces trous oĂč l'eau dort dans la nuit ; Ils ont les yeux divins de la petite fille Qui s'Ă©tonne et qui rit Ă  tout ce qui Avez-vous observĂ© que maints cercueils de vieilles Sont presque aussi petits que celui d'un enfant ? La Mort savante met dans ces biĂšres pareilles Un symbole d'un goĂ»t bizarre et captivant,Et lorsque j'entrevois un fantĂŽme dĂ©bile Traversant de Paris le fourmillant tableau, Il me semble toujours que cet ĂȘtre fragile S'en va tout doucement vers un nouveau berceau ;A moins que, mĂ©ditant sur la gĂ©omĂ©trie, Je ne cherche, Ă  l'aspect de ces membres discords, Combien de fois il faut que l'ouvrier varie La forme de la boĂźte oĂč l'on met tous ces Ces yeux sont des puits faits d'un million de larmes, Des creusets qu'un mĂ©tal refroidi pailleta... Ces yeux mystĂ©rieux ont d'invincibles charmes Pour celui que l'austĂšre Infortune allaita !De Frascati dĂ©funt Vestale enamourĂ©e ; PrĂȘtresse de Thalie, hĂ©las ! dont le souffleur EnterrĂ© sait le nom ; cĂ©lĂšbre Ă©vaporĂ©e Que Tivoli jadis ombragea dans sa fleur,Toutes m'enivrent ; mais parmi ces ĂȘtres frĂȘles Il en est qui, faisant de la douleur un miel Ont dit au DĂ©vouement qui leur prĂȘtait ses ailes Hippogriffe puissant, mĂšne-moi jusqu'au ciel !L'une, par sa patrie au malheur exercĂ©e, L'autre, que son Ă©poux surchargea de douleurs, L'autre, par son enfant Madone transpercĂ©e, Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs !Ah ! que j'en ai suivi de ces petites vieilles ! Une, entre autres, Ă  l'heure oĂč le soleil tombant Ensanglante le ciel de blessures vermeilles, Pensive, s'asseyait Ă  l'Ă©cart sur un banc,Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre, Dont les soldats parfois inondent nos jardins, Et qui, dans ces soirs d'or oĂč l'on se sent revivre, Versent quelque hĂ©roĂŻsme au coeur des droite encor, fiĂšre et sentant la rĂšgle, Humait avidement ce chant vif et guerrier ; Son oeil parfois s'ouvrait comme l'oeil d'un vieil aigle ; Son front de marbre avait l'air fait pour le laurier !Telles vous cheminez, stoĂŻques et sans plaintes, A travers le chaos des vivantes citĂ©s, MĂšres au coeur saignant, courtisanes ou saintes, Dont autrefois les noms par tous Ă©taient qui fĂ»tes la grĂące ou qui fĂ»tes la gloire, Nul ne vous reconnaĂźt ! un ivrogne incivil Vous insulte en passant d'un amour dĂ©risoire ; Sur vos talons gambade un enfant lĂąche et d'exister, ombres ratatinĂ©es, Peureuses, le dos bas, vous cĂŽtoyez les murs ; Et nul ne vous salue, Ă©tranges destinĂ©es ! DĂ©bris d'humanitĂ© pour l'Ă©ternitĂ© mĂ»rs !Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille, L'oeil inquiet, fixĂ© sur vos pas incertains, Tout comme si j'Ă©tais votre pĂšre, ĂŽ merveille ! Je goĂ»te Ă  votre insu des plaisirs clandestins Je vois s'Ă©panouir vos passions novices ; Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus ; Mon coeur multipliĂ© jouit de tous vos vices ! Mon Ăąme resplendit de toutes vos vertus !Ruines ! ma famille ! ĂŽ cerveaux congĂ©nĂšres ! Je vous fais chaque soir un solennel adieu ! OĂč serez-vous demain, Èves octogĂ©naires, Sur qui pĂšse la griffe effroyable de Dieu ?
Dansles plis sinueux des vieilles capitales - Dans une rue de Paris, non loin de l'appartement de Claude-HélÚne et de Térence, un couple d'apparence ordinaire, des travaux de rénovation mettent au jour un mur aveugle et noir. Claude- HélÚne le connaßt par coeur : c'est elle qui l'a conçu, il y a quinze ans, quand elle a inventé le concept de micro-intervention urbaine. 410 Erreur interne du serveur Erreur interne du serveur Retourner à la page principale GF77.
  • g4yghqt5sv.pages.dev/289
  • g4yghqt5sv.pages.dev/349
  • g4yghqt5sv.pages.dev/124
  • g4yghqt5sv.pages.dev/225
  • g4yghqt5sv.pages.dev/434
  • g4yghqt5sv.pages.dev/348
  • g4yghqt5sv.pages.dev/71
  • g4yghqt5sv.pages.dev/101
  • dans les plis sinueux des vieilles capitales